La délégation du CNAL a été reçue au ministère le 11 juillet 2017. Elle était composée de Liliana Moyano (FCPE), Karine Autissier (Unsa-Education), Charles Conte (Ligue de l’Enseignement), Eddy Khaldi (DDEN) et Rémy-Charles Sirvent (SE-Unsa).

 

La raison d’être du CNAL est l’éveil de la liberté de conscience des enfants ; l’École publique est le lieu où cette liberté s’intègre aux enseignements, à travers des approches didactiques et pédagogiques adaptées à notre temps, aux enfants d’aujourd’hui.

Ce qui est fondamental à l’école est d’acquérir la possibilité de penser librement. Lire, écrire et compter sont, dans ce contexte, des instruments pour y parvenir.

 

 

Compte-rendu de l’audience

 

 

CNAL : Lors de son intervention devant le Congrès, le président de la République a déclaré : « La liberté forte c’est toujours, en France, la liberté de conscience. De cette liberté, la France doit être l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les clés ».  Comment cette volonté sera traduite dans les écoles et établissements ?

La conseillère sociale du Ministre répond que la volonté du ministère est de s’inscrire dans la continuité des actions précédemment menées, puisque que sur cette question, il n’y a aucune divergence de vue. Pour être éclairé, il faut être bien formé. C’est l’objectif du socle, des programmes, notamment de l’EMC. La mise en œuvre peut être appliquée selon plusieurs approches visant à développer l’esprit critique et la citoyenneté, comme le tutorat, la coopération, les conseils de vie collégienne ou lycéenne.

L’avis du CNAL : Chiche ! Pour nous, un enseignement laïque ne doit pas se résumer à un prêchi-prêcha noté sur 10. Les approches coopératives où l’enfant sera amené à questionner le réel sont indispensables. Remplacer une croyance par une autre, ne correspond pas à notre conception de la liberté de conscience. Place aux actes.

CNAL : Existe-t-il un état des lieux de la réserve citoyenne ? Quel bilan peut-on en tirer ?

Il n’y a pas de bilan chiffré des actions menées ; pour autant, des retours positifs sont constatés. Créée après les attentats de janvier 2015, cette réserve citoyenne concerne 6000 personnes. . Il y a eu un très grand engouement des citoyens pour s’investir dans ce dispositif. Mais son utilisation est inégale sur le territoire  Il faut mener une réflexion sur comment dépasser cette étape. Les formations à l’attention des réservistes sont menées en partenariat avec l’ACREN (Association des Citoyens Réservistes de l’Education Nationale).

 

L’avis du CNAL : il est regrettable qu’aucun bilan des actions menées ne soit disponible. Pour autant, il est essentiel de lever les freins à l’implication de la réserve citoyenne. Ainsi, dans le 1er degré où le temps manque cruellement, la rencontre entre réservistes et enseignants, l’élaboration des projets, le cheminement administratif, etc. sont des étapes à faciliter pour mobiliser cette réserve, manifestement sous-utilisée.

CNAL : Quel est le bilan des actions des référents laïcité dans les départements et académies ?

 

La conseillère sociale du ministre déclare ne pas avoir de bilan exhaustif des actions menées, cependant, des retours positifs sont également constatés.

Le réseau de référents est désormais installé depuis 3 ans. Les référents académiques ont fait état de leurs actions, qui s’exercent principalement dans les situations suivantes :

– la clarification des concepts auprès des personnels enseignants et des parents

– l’aide à l’élaboration des cours d’EMC

– l’aide aux approches pédagogiques réflexives (discussions à visées philosophiques, conseil d’élèves, conseils de vie collégienne, organisation de débats, etc)

 

Pour le CNAL, les retours positifs sur les actions des référents laïcité sont partagés ; beaucoup de situations ont été apaisées grâce à leurs interventions. Il reste tout de même à faire en sorte que ces référents soient mieux identifiés par les parents, de manière à ce que des moments d’échange soient facilités.

 

CNAL : Le 9 décembre est la date anniversaire de la loi de séparation des églises et de l’État. Quelles actions comptez-vous menez pour amplifier sa résonance ?

Cette journée est un jalon important dans le parcours citoyen des élèves et nous soutiendrons naturellement les actions menées, pour autant, tous nos efforts se concentrent actuellement sur la rentrée 2017. La préparation de la journée du 9 décembre viendra ensuite.

 

CNAL : La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’École rappelle que la transmission de la valeur d’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, se fait dès l’école primaire. Écrire cette problématique dans les règlements intérieurs et mettre en place des actions de sensibilisation et de formations dédiées font partie des objectifs à atteindre. Quel est le bilan de cette action ?

Pour le Ministère, la loi conforte les actions menées par un réseau implanté de longue date. La vision de l’égalité entre filles et garçons évolue doucement, de manière continue. Des actions de formation sont mises en œuvre en lien avec des associations. Cela dit, aucun bilan n’est disponible.

Pour le CNAL, changer les mentalités et promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons est primordial. Laïcité et féministe sont des valeurs sœurs. L’éducation à ces sujets fait partie de l’ADN des organisations constitutives du CNAL.

 

CNAL : L’enseignement public est aujourd’hui absent de plus de 500 communes, où l’enseignement privé est en situation de monopole. Quelle sera l’action du Ministère pour promouvoir l’offre publique d’éducation sur tout le territoire ?

Le Ministère suggère que la demande d’inscription dans l’enseignement public ne serait pas forte très faible dans ces zones…

 

Pour le CNAL, cette réponse ne correspond pas à nos attentes. L’enseignement public s’intègre dans le service public, émanation de la République, et participe à son pacte. Ce n’est pas une option éducative parmi d’autres. L’inaction sur ce sujet ne serait pas acceptable.

 

CNAL : L’enseignement privé hors-contrat semble progresser. C’est pourquoi le CNAL souhaite obtenir la liste des établissements hors-contrat, ainsi que le bilan des contrôles menés. La même demande est portée pour l’instruction à domicile.

Le Ministère indique que l’enseignement privé hors-contrat concerne 60000 élèves. Des gains ont été observés.

Des contrôles sont effectués, régis par la circulaire du 17 juillet 2015. Un vadémécum d’inspection des établissements hors-contrat a été rédigé le 17 février 2017. Le bilan des observations n’est pas exhaustif, toutefois, il en ressort plusieurs points saillants :

– les cas de dérives graves sont plutôt rares (20 situations constatées, fermeture de l’école Al-Badr à Toulouse).

– les approches pédagogiques sont souvent faibles

– il est parfois difficile de trier ce qui relève de la croyance et ce qui relève du savoir

– des contenus d’apprentissages sont négligés (savoir-nager, numérique, histoire…)

 

Pour le CNAL, l’enseignement hors-contrat ne doit pas être l’angle mort de la République. Il ne serait pas acceptable que 60000 élèves ne bénéficient pas d’une éducation de qualité, conformément à la Convention Internationale des droits de l’enfant, que des contre-vérités leur soient enseignées en classe !

 

Établir la clarté sur la réalité de l’enseignement hors-contrat est un objectif que nous nous fixons.

 

CNAL : Selon la loi Debré de 1959, un établissement privé sous contrat doit donner son enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyance, y ont accès. Est-ce vraiment le cas ?

Le ministère déclare ne pas avoir de remontées significatives sur ce sujet.

 

Pour le CNAL, il faut mener une action sur cette liberté de conscience, due à chaque enfant scolarisé en France, notamment dans le privé où c’est une condition de son financement public. L’État doit vérifier que cet espace de liberté est réel, de manière à ce que l’argent public ne soit pas dilapidé dans des voies de conditionnement ou ségrégatives. C’est pourquoi nous sommes opposés au financement public de l’enseignement privé.

 

CNAL : Le Ministère de l’Education nationale est-il favorable à ce que la participation des élèves d’Alsace et en Moselle aux cours de religion devienne optionnelle, et fasse l’objet d’une demande des parents ? (Conformément à l’avis de l’observatoire de la laïcité)

Le ministère répond qu’il n’est pas question de remettre en question le régime du Concordat, et que cette demande doit faire l’objet d’un large consensus de la population des départements d’Alsace et de Moselle.

Pour le CNAL, cette question ne relève pas du Concordat, mais de la loi Falloux, consolidée par le droit allemand. Il n’est pas audible que des élèves aient des cours de religion obligatoire en France. Cela doit être facultatif. Il en va, comme toujours de la liberté de conscience des enfants.

 

CNAL : Etes-vous favorable à l’implantation des DDEN dans les départements d’Alsace et en Moselle ?

Le Ministère n’a pas de réponse à nous donner.

Pour le CNAL, c’est le moment d’avancer sur cette question et permettre l’implantation des DDEN dans ces départements. Récemment, l’institut du droit local a indiqué ne plus s’y opposer. Ainsi, comme en Guyane, les départements d’Alsace et la Moselle doivent reconnaître ces partenaires de l’école.

 

*

 

Le CNAL entend que les intentions de ce Ministère s’inscrivent dans la continuité que son prédécesseur : place aux actes.

Toutefois, il serait nécessaire d’évaluer les dispositifs mis en place, pour dégager des marges d’amélioration, sur la réserve citoyenne, les référents laïcité, les contrôles de l’enseignement hors-contrat et sous-contrat.

Les pédagogies où l’enfant interroge le réel, exerce son esprit critique et acquiert la capacité de penser librement doivent être favorisées, face au retour des féodalités spirituelles,  à la force de frappe des déclencheurs d’achat, au poids des normalisateurs en tout genre.

C’est une condition pour ne pas avoir une éducation banale, dans un pays banal.

Le CNAL s’y emploiera, avec le même objectif : émanciper par le savoir pour changer la société.